Une rencontre amicale et ouverte s’est tenue sur ce thème le mardi 30 juin à la maison du doyenné à Pluvigner. En voici des échos et une relecture.
Des réalités douloureuses
Certains d’entre nous ont été directement touchés par des décès de proches, ou par des situations de forte souffrance ; en particulier l’isolement de personnes seules à domicile, la maladie ou le départ de proches que l’hospitalisation ne permettait pas d’accompagner dignement. Ces situations ont été violentes.
L’autre manque ressenti, moins durement, est la perte de vie sociale, parfois vécue comme véritable cassure. Téléphone, internet, échange de jardin à jardin ont été essentiels, mais insuffisants avec le temps.
Des réalités lumineuses
La joie parfois de partager le quotidien avec un enfant mis au télétravail, ou de communiquer plus souvent avec une famille vivant loin. L’un de nous dit combien les soins quotidiens dont il a besoin à domicile l’ont aidé à ne pas se sentir seul.
Les retraités avec jardin – que sont beaucoup d’entre nous – ont pris conscience de la dureté de la situation pour les personnes portant une famille, n’ayant plus toujours les ressources habituelles, et devant rester de très longues semaines dans un espace restreint. On a peu parlé d’eux, pas assez.
Des contrastes augmentés
Et puis, cette crise sanitaire, c’est un peu comme si elle avait augmenté les « contrastes » : le gris foncé devenu noir, le gris clair devenu blanc. Les personnes fragiles ont souffert durement, jusqu’à nous quitter, tandis que les personnes résistantes sont ressorties peut-être renforcées de cette épreuve. L’anxiété s’est faite cruelle pour les inquiets, la précarité économique a plus touché ceux qui en souffraient déjà, etc…
Dans cette situation éprouvante, nous avons été invités à rentrer chez nous, à nous calfeutrer, et le terme abusif de distanciation sociale est apparu pour dire une règle de simple distance physique !
On a vu des méfiants dénoncer des voisins venus de la ville, et on a vu des confiants se tourner vers ceux d’à-côté pour en devenir plus proches : prendre des nouvelles et en donner, manifester par téléphone de la fraternité, applaudir soignants ou transporteurs dans un esprit de fête, d’un trottoir à l’autre, ou encore offrir un air de violon depuis sa fenêtre à un immeuble entier, etc…
On a aussi mesuré d’autres réalités, comme le vrai travail sans bruit de certains métiers. On a vu avec d’autres lunettes le sens de la mort qui n’est pas le même à 15 ans ou à 75 ans. On a ressenti l’urgente nécessité de ne pas accepter la solitude des autres…
Tout cela ne restera pas : ni les dénonciations, ni les sourires bienveillants.
Mais tout cela ne disparaîtra pas !
Et après ? Des engagements à poursuivre
C’est là qu’il nous faut revenir à notre mission de chrétien : permettre aux valeurs de l’Évangile d’être entendues par le monde où nous vivons.
Nous avons été privés de la messe dominicale, oui.
Mais nous n’avons pas été privés de lire la Parole de Dieu, nous n’avons pas été privés – au contraire – de temps pour réfléchir, méditer, laisser cette Parole nous inspirer, et pour prier.
Nous n’avons pas été privés du souci de l’inconnu, de l’étranger, de l’autre, pour en faire une personne aimée, au nom du Christ, et grâce à Lui.
Nous n’avons pas pu fêter Pâques, mais la résurrection, a-t-elle été reportée à l’an prochain… ?
Le manque nous a frustrés, mais le manque nous a aussi aidés à réfléchir, à voir ce que le tourbillon ordinaire nous cachait. Grâce aux contrastes, l’image a révélé d’autres réalités, et ce regard nouveau nous appelle à d’autres engagements, sans attendre Pâques 2021… !
Bernard nous a rappelé une parole récente du pape François, qui commence par «Des grandes épreuves de l’humanité, parmi lesquelles cette pandémie, nous ressortirons meilleurs ou pires. Ce n’est pas la même chose… »
Et si la crise repartait… ? Eh bien, si ça repartait, nous serions peut-être d’autres hommes pour regarder en face ces réalités. Nous aurions acquis une certaine maturité, une expérience pour vivre la crise en hommes nouveaux, pour nous sentir forts d’une espérance chrétienne qui regarde au-delà de nos misères quotidiennes, afin que vivent l’amour et le vrai don.
Gérard Flesch